« La monarchie commande une histoire sur mesure »

Selon Nabil Mouline, chercheur au CNRS, les générations à venir doivent « reconnaître l’existence d’une nation souveraine qui ne tire pas sa légitimité de la seule institution monarchique. »

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Le professeur Nabil Mouline, lors d'une visite guidée avec CAPDEMA au musée des Oudayas. Crédit : Cap Démocratie Maroc

Réappropriation de l’identité nationale, relecture de l’histoire, édification citoyenne, les mots sont grands et les enjeux de taille. Le professeur Nabil Mouline, chercheur au CNRS, nous éclaire sur la définition de l’identité marocaine. Auteur du livre de référence « Le califat imaginaire d’Ahmad al-Mansûr », il  était l’invité de l’université d’été de CAPDEMA pour débattre de « La réappropriation de l’identité nationale, un impératif à la construction citoyenne ». 

Telquel.ma : Dans vos interventions, vous parlez de se réapproprier l’identité nationale. Nous a-t-elle été confisquée ?

Nabil Mouline : Au XXe siècle, le Maroc connaît de profonds bouleversements liés à la colonisation et à la décolonisation qui s’ensuit. L’une des caractéristiques principales de ces bouleversements dans le domaine politique est la greffe de l’État-nation. Cette entité politique repose sur un dogme fondateur : la nation… le peuple, corps transcendant et transcendantal, est au centre, au-dessus et à la source de tout. Or ce corps ne devient véritablement souverain qu’une fois animé par une identité fédératrice aux contours bien déterminés. Consciente de cet enjeu et soucieuse de conserver sa souveraineté et ses prérogatives, la monarchie représentée par Mohammed V et surtout par Hassan II a dès le lendemain de l’indépendance cherché à faire barrage à une construction identitaire alors embryonnaire dans notre pays en utilisant tous les moyens dont elle dispose. Le raisonnement est simple : empêcher l’épanouissement d’une identité fédératrice permet de nier l’existence de la nation/peuple souverain(e) tout en affirmant que seule l’institution monarchique incarne l’unité, la continuité et surtout la légitimité de l’État marocain.

On dit que l’Histoire est écrite par les vainqueurs. Cette citation s’applique-t-elle au Maroc ?

L’expression s’applique tout à fait au Maroc. Après avoir éliminé ou coopté la plupart de ses rivaux, la monarchie commande une histoire sur mesure où les rôles sont inversés. La monarchie au centre, au-dessus et à la source de tout,  consent d’énormes sacrifices pour unifier, gouverner et protéger un conglomérat de territoires et de populations dont elle est le seul facteur d’unité. Plus modestement, le parti de l’Istiqlal réussit à imposer en partie son grand récit concernant les luttes pour l’indépendance.

Quelle partie de l’histoire a été le plus instrumentalisée afin de servir la monarchie marocaine ?

Si toutes les périodes, même les plus reculées de l’histoire, ont pâti de cette instrumentalisation, c’est sans doute la période contemporaine qui a le plus souffert. La raison en est simple : l’impact direct sur les acteurs et institutions actuels de notre pays. Pour réussir cette instrumentalisation, la monarchie a eu recours à plus d’une stratégie. Essentiellement le strorytelling à travers la réécriture de certains épisodes clés de l’histoire du Maroc, en employant les moyens discursifs les plus rhétoriques : amplifier le rôle de Mohammed V et de Hassan II ; minimiser le rôle des autres acteurs du champ politique ; déformer certaines séquences ou encore en passer d’autres sous silence. Pour imposer cette histoire officielle, la monarchie a adopté un certain nombre d’outils : les programmes scolaires, les médias et les rituels politiques. Nous donnerons ici un exemple que j’espère éloquent. Il s’agit de la date d’indépendance. Officiellement le 2 mars 1956, l’indépendance est célébrée tous les ans le 18 novembre. Or cette dernière date correspond à l’intronisation de Mohammed V. L’objectif du rapprochement est donc évident : faire du sultan l’unique artisan de l’indépendance. Tout est mis en œuvre pour signifier que la nation/peuple n’a joué qu’un rôle de comparse dans ce processus.

Dans quelle mesure l’élite intellectuelle marocaine a failli dans la construction de l’identité nationale ?

On n’insistera sans doute jamais assez sur le fait que la construction identitaire dans le cadre de l’État-nation est un phénomène récent et artificiel dans le monde. Elle ne remonte en effet qu’à la fin du XVIIe siècle. Pour compenser ce caractère récent, des intellectuels se sont ingéniés à démontrer que l’État et la nation, qui se confondent désormais, ont une personnalité spécifique qui plonge ses racines dans un passé fort lointain. Pour ce faire, ils créent une identité nationale in vitro en utilisant une boite à outils identitaire où se mêlent mythes fondateurs, récits historiques, contes et légendes populaires, lieux de mémoires, arts, cuisine, costumes, langues, etc. Avec la montée en puissance des État-nations européens au XIXe siècle, ce modèle connaît un essor planétaire.

Si l’État-nation s’impose au Maroc au début du XXe siècle, le processus de construction identitaire, lui, reste défaillant quantitativement et qualitativement. La monarchie et ses alliés ont certes joué un rôle important dans cela. Mais il reste que les élites intellectuelles, quelles que soient leurs obédiences, endossent une part non négligeable de la responsabilité.En effet, la démarche de la plupart des courants sociopolitiques autochtones depuis les années 1930 relève plus du bricolage intellectuel que du travail idéologique systématique, cumulatif et accumulatif. Il en résulte une production discursive fragmentaire et souvent maladroite qui ne parvient pas à proposer un édifice identitaire qui obtient l’adhésion du plus grand nombre. La faiblesse de la construction identitaire conjuguée aux frustrations liées à l’édification étatique elle-même (autoritarisme, inégalités économiques et sociales, déséquilibres régionaux, etc.) pousse les représentants, le plus souvent autoproclamés, de certaines catégories sociales à chercher le salut et l’ascension sociale dans l’invention d’identités infra et supra étatiques (islamisme, panarabisme, berbérisme, etc.).

 Pourquoi est-il nécessaire de construire une identité nationale ?

La construction d’une identité fédératrice est l’un des piliers de l’édification citoyenne. Et qui dit citoyenneté, dit égalité, démocratie, souveraineté de la loi et protection des minorités. Mais avant de parler de construction identitaire sur de nouvelles bases, il faudrait tout d’abord procéder à une déconstruction systématique des discours qui ont dominé le champ social marocain tout au long du XXe siècle. Les objectifs de cette déconstruction : débusquer les préjugés et dépasser les peurs pour éviter les erreurs du passé et déloger l’exclusivisme et l’autoritarisme. Il s’agira ensuite de trouver une koinè identitaire, c’est-à-dire un langage commun dans lequel le plus grand nombre se reconnaît à travers des concepts, des symboles, des images, des valeurs et d’institutions contractuelles. Mais pour ce faire, on ne pourra pas puiser dans la boite à outils identitaire héritée des siècles précédents. Les sciences humaines ont fait de beaux progrès rendant la plus grande partie de son contenu obsolète. Il faudrait plutôt réfléchir à l’élaboration d’une philosophie de l’histoire du Maroc, histoire qui j’en suis sûr regorge de nombreux éléments unificateurs malgré sa diversité. Cela étant, la construction identitaire n’est qu’une composante de l’édifice étatique qui doit reposer sur, d’une part, la philosophie contractualiste assurant les droits et devoirs des citoyens dans l’égalité et la légalité ; et d’autre part, l’efficacité au quotidien (allocation des ressources équilibrée, équité sociale, meilleure intégration des élites, transparence, des institutions performantes, etc.).

Est-ce que le mouvement du 20 février peut être considéré comme une étape de cette construction identitaire ?​

Sans aucun doute. Malgré la diversité de ses expressions, le 20 février est une séquence très importante dans la trajectoire du Maroc contemporain, dans le sens où il exprime la volonté de la nation/peuple de récupérer la souveraineté qui lui a été dérobée au lendemain de l’indépendance. Même si la monarchie et ses alliés ont essayé tout au long de la seconde moitié du XXe siècle de dénaturer, folkloriser, balkaniser l’identité nationale, un certain nombre de facteurs objectifs et subjectifs ont néanmoins renforcé un sentiment national intuitif. En effet, les changements structurels qu’a connus le Maroc (l’urbanisation, l’enseignement, la bureaucratie, les média, le sport, l’immigration, etc.) ont favorisé l’émergence d’une nouvelle génération qui peut s’affranchir plus facilement du lourd héritage du XXe siècle, se réapproprier l’identité nationale sur de nouvelles bases et de là aspirer à l’instauration d’un régime démocratique réel. Mais cela ne sera possible qu’à travers l’élaboration de projets de société rationnels, réalistes et inclusifs.

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  • Un marocain qui dit que tout est rose dans son pays est un menteur….Un marocain qui dit que tout est pourri dans son pays est lui aussi est un menteur
    Si certains marocains ne connaissent pas l’histoire de leur pays il leur suffit de consulter sur Internet des sites de spécialistes et d’historiens étrangers
    ils peuvent ainsi savoir et avoir des informations peut être non disponibles au Maroc.
    Je diverge avec ce Monsieur Mouline sur plusieurs points
    1) la Notion d’Etat Nation a été inventée très récemment par les Occidentaux sur la base de leur culture et de leur histoire. Le Monde Musulman fonctionnait différemment et les Marocains ont leurs propres références culturelles et historiques.
    Tous les états arabes qui ont repris les références occidentales en fondant des républiques sont aujourd’hui toutes en proie à l’anarchie la plus totale avec des dérives graves : Tortures, Hogra, Corruption généralisée, Conflits ethniques, Guerres civiles etc….C’est pour cette raison que je n’adhère pas à toutes les revendications du M20F. Certains marocains qui ont adhéré à ce mouvement ont terminé en républicains marocains pro-Polisario oubliant trahissant ainsi leur propre peuple et l’histoire séculaire de leur pays
    NON, les Marocains ne sont pas ni des Occidentaux ni des Algériens ni des Saoudiens. Ils sont spécifiques et doivent le rester en apportant les améliorations et les modernisations nécessaires à leurs développements matériel et moral.
    2) Ce sont ces états occidentaux qui au nom de leur principe qui ont colonisé et pillé de nombreux pays dans le monde.
    3) Depuis des siècles au Maroc, tout tournait autour du Sultan commandeur des croyants et des tribus Makhzen. Le principe d’allégeance a aussi existé partout dans le Monde.
    4) Quand au droit international, il a été fait par les anciennes puissances coloniales ….pour servir leurs intérêts
    5) ce sont ces états nations occidentales qui ont dessiné à la règle de faux états nation en Afrique sans consulter les populations( Mauritanie, Sahara occidental, Mali, Algérie, Libye ……..là aussi pour défendre leurs intérêts.
    Ce sont ces anciens colonisateurs et leurs nouveaux affiliés ( comme l’Algérie qui s’est mis à défendre les frontières de la colonisation car elle y gagnait) qui aujourd’hui les responsables de nombreux conflits en Afrique
    6) Enfin, je tiens à rappeler à ce Monsieur Mouline que TOUS les états au Monde ont leurs historiens et ce sont eux qui sont chargés de la rédaction des livres d’histoire des écoles du Pays. Les colons Français n’ont pas travestis une partie de leur histoire, de même que les historiens arabes du Moyen âge ou les écrivains romains.

    1. je suis d’accord avec et PR Mouline et «DIMA» sur quelques points. Pour ma part,je trouve ça dommage que MR SBITI fasse allusion au M20,ce mouvement n’avait pas lieu d’être.. anarchique mais bénéfique. On aurait pu et du faire mieux.

    1. Ce Mouline, me donne l’impression d’un algérien ou d’un Mauritanien ou d’un Malien qui parle de son pays inventé par les colons français.
      Il y a au Maroc des marocains qui pensent qu’en disant des choses exagérées ils sont dans la vérité. Pour eux plus c’est gros et plus c’est antisystème plus ils croient révéler la vérité.
      Les intellectuels marocains et les anciens résistants marocains savent que les indépendantistes de l’Istiqlal ont porté les 1ères initiatives de résistance….MAIS ce Mouline oublie de dire que les Marocains avaient besoin de quelqu’un pour porter leur message…et que cette personne ne pouvait être que le Sultan Mohamed Ben Youcef futur Roi Mohamed 5. Certes les Monarchistes ont repris et amplifié l’impact de M5 …MAIS…allez jusqu’à prétendre que le nation marocaine n’a pas d’identité relève de la supercherie intellectuelle.
      Il oublie de mentionner que bien avant les indépendantistes de l’Istiqlal, dès l’entrée des colons au Maroc des tribus marocaines s’étaient rangées du côté de Moulay Hafid pour combattre les Français.
      Et que bien des années avant cela, Moulay Abder Rahman avait levé une armée pour résister à l’entrée des Français à Lalla Maghnia. C’était la fameuse Bataille d’Isly lourdement perdue par le Maroc puisque il va perdre des villes comme Lalla Maghnia puis des pans entiers de son territoire que le traitre Ben Bella ( communiste d’origine Marocaine) ne voudra pas restituer au Maroc en 1962.

      1. Vous ne croyez pas si bien dire: le mercenariat politico-intellectuel de ces gens est flagrant. Ils se spécialisent dans la falsification de l’Histoire. Tout leur est utile, qui sert à dénigrer le régime en place.
        Les faits historiques que vous indiquez ne servent pas leur vision honteusement partiale et leurs idées préconçues sur les événements ;aussi font-ils exprès de les ignorer.
        Leur mobile est clair:si l’adhésion du peuple doit servir et sert effectivement d’alibi à cette monarchie qu’ils cherchent  » à abattre »,il faut réinventer l’identité nationale -se la réapproprier car… usurpée par les rois cités!

  • Nous avons tenu la dragée haute aux puissances colonialistes qui ont eu besoin de se mettre à deux ,France et Espagne,pour nous vaincre ;nous les avons obligées à transformer juridiquement la colonisation en protectorat,c’est à dire en une colonisation limitée dans le temps ;elles n’ont connu que quelques années de calme dans notre pays qu’elles ont été obligées de dépecer …et tout cela

  • Malheureusement ici il est interdit de mettre des liens internet…donc….

    MAROCAINS…..COLLER…..LES….PHRASES…..SUIVANTES…..DANS….GOOGLE

    1) bouteflika falsifie l’histoire de l’algérie + bladi
    2) Etat Marocain Antique + Yabiladi

    2) Polisario: des révélations sur la liquidation d’El-Ouali enfoncent Alger